ÉPILOGUE
LA TAVERNE DE L’ESPOIR
Le communiqué tomba dans le milieu de l’après-midi : par ordre des dormeurs et dans le simple but de préserver la santé mentale des citoyens, il était désormais interdit à quiconque d’exercer un art, quel qu’il fût, sous peine de se voir exposé à des sanctions graves.
Cette décision fut accueillie par quelques murmures d’approbation, noyée dans le flot de l’indifférence générale. Si l’art était reconnu comme un fléau, au même titre que la guerre ou la famine, il n’était que justice de le supprimer ! Et ne venait-on pas de proclamer – comme pour étayer ce point de vue – que Jarvis, le plus célèbre entre tous les artistes, venait de se donner la mort dans sa cellule, pour échapper aux soins qu’on désirait lui prodiguer ?
N’était-ce point là la plus grande des folies ?
— Suicidé ? Et puis quoi encore ? cracha Rémy Barnes. Ils l’ont assassiné, oui !
Ils étaient rassemblés tous ensemble, à la taverne, comme tant de nuits avant celle-ci, mais certains murmuraient déjà que c’était la dernière fois.
— Qu’allons-nous faire, maintenant ? interrogea Virana, faiblement.
— Je vais vous le dire, ce que nous allons faire ! s’exclama Elisha. Rien du tout ! Ou plutôt, rien de plus que par le passé. Nous ne pouvons pas aller contre les événements et je dirai même que nous n’en avons pas le droit puisque tout le monde est contre nous. Mais tant que nous sommes ici, personne ne peut nous atteindre, pas plus les dormeurs, malgré leurs pouvoirs, que les agents du bonheur ou les bons citoyens. Ici, nous sommes invulnérables ! Cette taverne sera notre refuge, l’endroit où nous pourrons tout à loisir vivre comme nous le désirerons, sans être accusés de répandre des germes de sédition dans la population. Ce sera l’espoir, notre espoir !
Gallys sourit tristement et une larme, une seule, descendit lentement le long de sa joue.
Flip était mort.
FIN